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bruissantes des grands arbres du Richelieu ; lui parler doucement, avec des mots qui ne l’auraient pas interrogée, mais lui auraient tout de même arraché — prononcées ou muettes — les réponses les plus secrètes et les plus décisives ; l’initier en même temps comme une sœur à l’intimité de sa vie en lui racontant tout bas ses pensées, ses projets, ses échecs, ses espoirs que maintenant il ne mettrait plus qu’en la terre fidèle, et, sans oser trahir son cœur à fond, atteindre dans ses aveux le point le plus escarpé, n’attendant qu’un simple mot complice pour se précipiter tout à fait.

Mais déjà il ne savait plus que dire, aussi ému par le calme impressionnant du sous-bois où ils s’étaient engagés, que gêné par la silhouette qui l’accompagnait pensive.

Et ce fut Jacqueline qui rompit le silence.

Son ardeur à se défendre de rougir de la livrée de Yves avait été si spontanée, si décisif son geste, que, dans son désir de sauver ce qu’ils auraient eu de trop révélateur, elle se décida sur un sujet à côté :

— « Je vous suis fort reconnaissante de m’enseigner ce rapide sentier que j’ignorais, et dont vous paraissez par contre posséder une longue habitude. »

— « Oui, bien longue, et qui remonte à ma plus lointaine enfance… Je n’y passe jamais sans qu’une foule de réminiscences naïves ne viennent aussitôt défiler dans ma mémoire.

— « Oh ! c’est là le charme, trouvé nulle part ailleurs, il me semble, et que seuls les hommes des champs savourent : pouvoir attacher à leur gré une