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porte où finalement frapper — Lucas avait ainsi terminé sa lettre : “Tu demanderas André Robert et quelqu’un, qui pleure de tristesse en t’écrivant et en songeant à ceux que tu vas quitter, te sautera à ce moment au cou, en pleurant de joie, cette fois. »

En grand mystère, faisant ainsi ressusciter les pensionnaires d’autrefois, elles avaient toutes deux longuement cherché la retraite ignorée sur la carte géographique… Que c’était loin !… Et de penser à tous ces étrangers de race, de langue, de religion, de nom, de cœur, de tout, parmi lesquels il allait falloir se perdre sans retour, Marcelle en avait reçu une vive secousse. Mais qu’importe, son Lucas sera près d’elle ; elle saura s’il souffre ou s’il est heureux ; s’il continue sa vie d’alcool ou s’il est corrigé, selon qu’il le lui jure… à cette perpétuelle incertitude, elle préfère tout.

Elle ajouta tristement :

— « Ce sont les deux d’ici, qu’il va maintenant me coûter d’abandonner. »

— « En effet, je n’y avais pas pensé, » reprit Jacqueline… « Ce pauvre vieux de Beaumont… »

— « Et ce pauvre Yves aussi ? Ne crois-tu pas ?… Que vont-ils devenir dans leur maison vide ? Je n’ai pu encore me résoudre à leur en parler, tant je me sens ballottée par des sautes successives de joie et de chagrin… Je vois si bien d’ailleurs que Lucas a tout analysé et pesé d’avance et qu’il endure les mêmes perplexités dans son gîte secret d’exilé. »

Avec sa grâce spontanée à adoucir ou à partager toute souffrance chez ceux qu’elle aimait, Jacqueline