Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 258 —

l’entraîner dans le voisinage de la ferme des Beaumont, elle allait.

De loin, enfouie sous les arbres, elle scrutait attentivement les alentours et si elle découvrait que Yves était occupé à travailler dans quelque coin reculé de son champ, sans plus aucune crainte de le trouver à la maison, elle entrait dire un bref bonjour à Marcelle.

Un bref bonjour… Ce n’était plus en effet les longs et gais bonjours d’autrefois, pleins d’interminables épanchements, qu’elles échangeaient à présent. Les événements s’étaient en ces derniers temps précipités d’une manière si étrange ; ils avaient semé dans leur vie tant d’amères énigmes, qu’il ne fusait plus de rires heureux et inextinguibles de leurs lèvres encore jeunes. Elles n’avaient plus d’illusions à échanger, de rêves à ébaucher tout haut ; il restait toujours une ombre, une alarme, un sanglot, en suspens derrière leurs pensées.

Cette fois cependant, Marcelle était accourue vers Jacqueline avec son ancien sourire accueillant et ouvert. C’est que de là-bas, de l’autre bout de l’Amérique, elle avait reçu l’appel — si longtemps craint et désiré — de Lucas. Elle n’en eut rien dit que Jacqueline l’eut deviné, tant Marcelle laissait nettement son état d’âme se refléter sur sa figure.

Après une foule d’indications variées, — où se trouvaient consignés, comme dans un schéma, le tracé de la route, les moyens de déplacement à adopter de préférence, les incidents à prévoir, les embarras à tourner, les distances, jusqu’à la rue à suivre et la