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nationale que tous les gouvernants, les hommes d’affaires et les candidats s’empressent d’applaudir, car c’est par elle que nous atteindrons l’influence et les emplois qui nous sont dûs parmi les populations de notre Dominion. »

— « Politique de suicide, » avait proféré tout haut, un goût de terre fraîche à la bouche, le vieux de Beaumont. Il avait en même temps promené lentement sur la foule un douloureux regard où couvait son impuissance indignée de paysan à ne pouvoir riposter à l’insulteur, le regard de quelqu’un qui, les mains liées, aurait vu outrager sa mère.

Bégayant, il avait tenté de trouver des mots, lorsqu’une voix nerveuse, avec l’accent oppressé que donne un saisissement trop vif, traversa l’air :

— « La première richesse d’un pays et sa principale force, — les balles boers me l’ont démontré — c’est la terre. »

Cette vérité incontestable répondait si bien à la pensée des auditeurs qu’une salve spontanée d’applaudissements éclata dans la salle.

— « Comment, jeune homme, » reprit décontenancé, le charlatan politique sous lequel se cachait l’embaucheur. « Vous en êtes encore là ? L’expérience vous a alors bien mal renseigné. Regardez donc autour de vous. Où est la richesse ? Où est la puissance ? Où est le bonheur ? Est-ce chez vous, agriculteurs ? Je maintiens que nous avons tous le devoir de tenir un rôle dans la confédération canadienne, mais que vous rendez ce rôle insignifiant, même dans notre province de Québec, parce que la plupart d’entre vous