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— « Attendez-moi, père » lui criait-il, et il le rejoignait en courant.

Plus tard, cela avait semblé comme si le goût lui-même de la terre l’eût repris ; il ne mettait plus aucun effort dans ses résolutions de travail ; il ne lui coûtait plus de se lever avec l’aurore. Peut-être enfouissait-il encore dans quelqu’une de ses poches un livre, un numéro de journal quelconque, mais c’était simplement pour y jeter un coup d’œil hâtif en se reposant, la dînette finie, enfoui dans l’ombre creuse de quelque épaisse veillotte.

Puis finalement, c’était devenu presque un attrait. D’accord avec son père, plus les javelles étaient drues et lourdes de grains, plus il s’en réjouissait. Il mettait maintenant de l’âme dans son rustique labeur. Il ne pensait plus à la Poudrerie, ni aux fabriques des villes, ni aux diverses positions qu’il avait si souvent convoitées autrefois. Les offres d’emploi que publiaient les journaux le laissaient indifférent.

Quoiqu’il ne s’y arrêtât pas encore entièrement, la terre était, après Jacqueline, ce qui lui tenait à présent le plus l’esprit.

Certes, oui,… « après Jacqueline »… car lorsque, au cours du travail exécuté en commun, le père de Beaumont, discourant au hasard à la manière des paysans dont la pensée se replie sans cesse sur les choses qui seules les préoccupent de plus près, abordait tout à coup la louange des Duvert, Yves le laissait dire sans s’interposer autrement que d’un mot, d’une interjection, comme une simple amorce jetée