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matutinales, avait réapparu soudain à leurs yeux. Comme d’une poitrine, il en montait une haleine impalpable et douce. Il sembla à Yves qu’il ne l’avait jamais vu sous un tel aspect de caresse, avec ce charme grave et pénétrant que la mousse successive des années paraissait avoir attaché à chacune des fenêtres, et un long soupir d’attendrissement lui serra le cœur. Il n’avait pas prévu que c’était là le sourire accueillant que tiennent en réserve les nids désertés.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Entre-temps, les voisins avaient commencé d’arriver.

Il en vint plusieurs, ses amis personnels, quelques amis de Lucas, les vieux voisins de la famille Beaumont qu’aucun n’avait délaissée dans son infortune.

Tous étaient désireux de connaître quelque chose de ces Boers opiniâtres que les journaux avaient popularisés. Yves avait hâte de leur apprendre que ces braves gens étaient des « habitants » semblables aux Canadiens : des idolâtres de la terre.

— « Comme nous, leur dit-il, ils cultivent le sol depuis près de trois siècles. Ils possèdent de vertes prairies et des pâturages sans fin. Leur figure respire le calme et la force que donne le contact journalier avec la terre. Je ne vous dirai pas combien de fois j’ai eu l’illusion de vous apercevoir, vous Lusignan et toi Rémi, au milieu des herbes touffues du veldt. Oh ! cette guerre est une triste aventure ; le soldat, quel qu’il soit, se prend à gémir en se constituant l’ennemi de ces fidèles fermiers. Ils vivaient heureux avec leurs mœurs d’un autre âge. Ils n’a-