tout lui criait leur abandon et l’implorait comme un sauveur.
Il subit, en ce premier contact avec la ferme natale, une emprise qui l’accabla, tel un cauchemar. Ce fut dans son âme comme la montée étrange de mille sensations inconnues, la plainte suppliante de tous ceux de chez lui — disparus ou absents — dont il lui avait semblé reconnaître, ici et là, la trace lointaine ou les pas encore ineffacés.
Après avoir erré quelque temps aux alentours, retrouvant un souvenir à chaque sillon, il s’était acheminé, l’œil humide, vers la maison. Mais une voix l’avait interpellé ; le père de Beaumont se hâtait à sa rencontre.
— « Viens, Yves… Il ne faut pas que tu restes sur cette vilaine impression. Tu n’as vu que le mauvais aspect des choses… mes vieux bras n’ont pu suffire à tout, vois-tu ?… Viens, ce sont les moissons, les pâturages, l’effort toujours fidèle et généreux de notre bonne terre qu’il importe de constater. »
Désignant d’un regard l’étendue elle-même de la ferme, il l’avait entraîné doucement comme pour l’associer à son admiration.
Ils traversèrent les près, les bois de la « sucrerie » pleins de chuchotements mystérieux, les plantureuses moissons dont les balancements ondulaient avec mollesse aux sommets des coteaux.
Le père battant la marche, il s’arrêtait avec orgueil à tout instant pour faire contempler à Yves telle pièce de céréales dont le rendement allait être prodigieux, telle autre, trop négligée par Lucas pour