Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/227

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Lucas et lui. En reconnaissant leurs mines d’enfant, gauches et embarrassées, il n’avait d’abord pu retenir un sourire, mais quelque chose de poignant avait sans doute tout de suite pénétré son âme, car il avait tristement détourné son regard, son esprit absorbé dans je ne sais quelle songerie amère.

Son rêve — un rêve à yeux ouverts — ajouta encore à sa sensation en déroulant le film de son existence encore courte, mais si inégale et jonchée de débris.

Il dormit peu. Le coq matinal, les beuglements lointains des bestiaux, le concert des oiseaux saluant à leur façon le réveil de la nature canadienne, tout l’avait invité à descendre aussitôt le jour venu.

Au surplus, il lui tardait de visiter seul, et sous l’empire de sentiments intimes, les abords de la maison et les dépendances familières dont l’enfant de la campagne, devenu homme et même homme des villes, revoit toujours avec un contentement inexprimable les recoins et les mystères.

À pas légers, son pied déjà réapprivoisé aux marches raides de l’étroit escalier qu’il avait si souvent parcouru autrefois, il s’était échappé sans bruit.

Hélas ! ce fut pour constater à maints indices que l’œil et la main du maître avaient pendant longtemps manqué d’exercer leur action réparatrice. Les « bâtiments » délabrés et veufs de leurs portes, les clôtures écrasées, le sol envahi par les hautes herbes parasitaires, ce désarroi général que l’activité diligente du père Beaumont, prise par les besoins plus pressés de la terre elle-même, n’avait encore réussi à corriger,