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celle parlaient plus souvent et plus éloquemment que les paroles articulées.

Bientôt Yves comprit qu’il valait mieux, pour l’heure, mettre un terme à cette situation angoissante. Sous le prétexte de dépouiller son uniforme militaire qui l’enserrait depuis vingt-quatre heures, il exprima le désir de se retirer.

Marcelle alluma une bougie et les trois affligés, le père Beaumont en tête, montèrent lentement et silencieusement le fruste escalier qui conduisait à la chambre destinée à Yves, la même qu’il avait autrefois occupée.

Certes, elle n’était pas luxueuse cette chambre, mais Marcelle l’avait ornée de tout ce que, en la circonstance, elle avait pu réunir en vue de réjouir celui qu’elle aimait comme un grand frère. Quelques fleurs printanières ; un portrait où, sous l’archaïque costume strié de lignes blanches, apparaissait le collégien de jadis ; un autre portrait de Lucas et de Yves qu’aux jours de leur petite enfance un photographe ambulant avait fait très-beau, sinon ressemblant, en y mettant du carmin aux joues et de l’or au plastron ; des vieux meubles de famille et, dans tous les coins, le pénétrant arôme du foin d’odeur que les mères canadiennes ont accoutumé de semer partout ; bref, un ensemble d’objets inanimés qui palpitaient cependant, avaient tous leur histoire et d’où jaillissait un cortège de souvenirs que l’âme de Yves s’était mise à savourer pieusement.

Une fois seul, il était aussitôt retourné vers le naïf portrait qui les représentait, serrés l’un contre l’autre,