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de mépris à l’adresse de Lucas. — « Tu sais tout : Nous te croyions si mal placé là-bas, pour juger juste, que nous n’avons jamais osé t’en rien dire… jamais osé… »

— « C’est longtemps après, par un numéro du Soleil qui se trouvait par hasard entre les mains de mon ami Larue, que j’ai tout connu… J’ai bien compris la raison de votre silence et pour ne point vous chagriner davantage j’ai feint moi-même de tout ignorer… Ce fut là constamment ma pire torture de refouler cruellement en moi le cri de solidarité que j’eusse tant désiré vous jeter. »

— « Quel brave cœur tu es demeuré, cher Yves… Alors, tu comprends, j’ai dû reprendre le chemin de la ferme abandonnée et l’exploiter de nouveau… Il ne fallait point qu’elle te quittât comme l’autre, sans que tu la revoies et que tu lui dises adieu, n’est-ce pas ? »

— « Sans lui dire adieu ?… Vous songiez à vous en séparer, » demanda Yves avec anxiété, cherchant à la fois du regard à s’orienter et à découvrir dans le renflement des coteaux le vieux toit familier.

— « Non, ce n’est pas ce à quoi je songe, Yves… Je prévois seulement que mes deux pauvres bras, un peu déshabitués de la tâche, ne sauraient longtemps résister… et que… » Il s’arrêta court ne voulant pas laisser sa voix trahir l’émotion qui de plus en plus l’étreignait.

Ils avaient maintenant atteint le village ainsi que la petite église qui, discrètement enfouie dans un