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pouvait y avoir matière à honte ou à mépris dans l’acte de fureur aveugle de Lucas… N’était-ce pas en somme son enfant qu’il avait vengé ?… Il saura bien tout expliquer.

Raisonnant ainsi en lui-même, il était parvenu à refouler les soucis qui l’assiégeaient, et de nouveau il n’avait plus vu que son Yves descendant du train, la figure irradiée.

Aussi n’était-il guère plus de quatre heures, le lendemain, que déjà le père de Beaumont guettait l’arrivée du convoi.

— « Vous avez amplement de temps », lui avait en vain crié Marcelle au départ. Il s’était quand même hâté de se mettre en route, à cause de Rougeaud, dont il prétextait l’allure un peu lente, mais qu’il avait de préférence choisi parce qu’il le savait impassible comme un sémaphore, dans le voisinage assourdissant des gares.

Et maintenant qu’il arpentait fiévreusement la plate-forme, il pensait à cette même route qu’il avait parcourue l’an passé, à pieds cette fois, à côté de Yves qu’il accompagnait pour son lointain départ au Transvaal. Il en récapitulait les incidents : la séparation émue d’avec Lucas et Marcelle : le geste inattendu de Jacqueline et ce long regard d’adieu sur lequel il avait si souvent réfléchi plus tard, sans en rien dire ; et puis la dernière et rapide pressée de mains à travers l’étroite fenêtre du wagon… Il ne s’était écoulé qu’une année depuis, néanmoins que de bouleversements Yves allait trouver…

Perdu dans ses réflexions, il sursauta en enten-