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plus voir personne des siens surgir, ainsi que naguère, des sommets des coteaux voisins, pour redescendre du champ avec lui, le long des fossés ou des haies, tout en discourant des choses de la terre… c’est à ce moment que toutes ses pensées noires venaient fondre sur lui.

Heureusement que Marcelle lui restait et que, en la retrouvant à la maison familiale, — disposant en hâte la nappe et le couvert, les lèvres tendues pour un accueil plein de tendresse et de charme enfantin — il sentait aussitôt se répandre en lui comme un effluve passager des jours d’autrefois.

Quant à Marcelle elle-même, si elle portait toujours bien cuisante au cœur la trace des meurtrissures que la vie y avait faites, elle avait par contre pour la soutenir la jeunesse, c’est-à-dire tout ce qui s’y rattache d’espoir, de force et d’amour. À l’imitation des jeunes plantes que les orages ont tordues sur le sol et qui bientôt, de leur seule sève, se redressent sous le premier souffle vivifiant, elle s’était de même relevée, décidée à parcourir sa route jusqu’au bout.

… Jusqu’au bout, c’était là-bas son Lucas, qu’elle suivait sans cesse en esprit, qu’elle protégeait en rêve, de ses bras autant que de ses prières, contre toutes sortes de rencontres chimériques, et dont il lui tardait de partager le sort inconnu.