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beaucoup à cacher… Marcelle dira tout d’ailleurs et l’établira s’il le faut… La justice, la vraie, ce n’est pas celle-là que je redoute ; c’est l’aveugle justice des hommes qui me répugne et que je veux fuir. C’est pourquoi je venais vous confier Marcelle et vous embrasser avant de partir. »

— « Partir, toi aussi, Lucas ? »

— « Oui, car pour l’honneur des de Beaumont, je ne veux ni d’arrestation, ni de prison, ni seulement sur mon épaule la main flétrissante de la police. »

— « Tu as raison », acquiesça douloureusement le père de Beaumont.

— « Il m’aurait fallu vous quitter un jour ou l’autre d’ailleurs, et c’est peut-être un peu la Providence qui intervient aujourd’hui pour arranger plus vite les choses… Ah ! ce Verneuil… »

— « Et dans quel coin de pays projettes-tu de te réfugier ? » murmura-t-il, avec la voix hésitante et tremblée des vieillards chez qui l’émotion a comme tout à coup barré la poitrine.

— « Je l’ignore encore… Je sais seulement que je n’en pourrai jamais revenir… jamais… » répéta Lucas avec un regard qui révélait que à ce moment il cherchait à y fixer, pour la retenir éternellement, la dernière vision vivante de son père, de même que l’image confuse de tout ce qui l’entourait.

— « Et Marcelle ? »

— « Oui, Marcelle… Vous voyez, c’est encore elle, la pauvre, qui est la plus atteinte… Mais quand j’aurai trouvé dans quelque coin reculé un gîte secret où refaire ma vie, — et où je pourrai à la fois ré-