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ses oreillers. Dans la nuit et le silence, tout cela était suprêmement poignant.

Lucas n’osait remuer. Il se tenait toujours debout, apparemment impassible. Mais en lui-même une voix le torturait ; il entendait le bruit de galop de plus en plus précipité qui, de sa poitrine, montait lui heurter les tempes. Le condamné, qui dans sa soif d’existence rumine secrètement en lui même s’il va étrangler son bourreau ou tendre docilement ses mains aux fers, doit avoir un peu cette attitude de mystère farouche.

Tout à coup, saisissant sa casquette, il s’était glissé en silence auprès de son enfant et l’avait embrassé au front au milieu des mèches moites ; puis sans rien dire il s’était emparé d’une petite bourse, — dédaignée et perdue dans les replis des oreillers — avec laquelle Marcelle avait au début tenté d’endormir les premiers accès du mal. Il s’en était emparé en tremblant, comme s’il eût commis une profanation. C’est que cette naïve petite chose c’était le trésor sacré de Gérard ; l’inviolable dépôt, où, depuis sa première dent, il entassait et faisait tinter les gros sous et les pièces blanches que le grand-père de Beaumont, Yves, Marcelle, Lucas lui-même, y avaient tour à tour introduits. Avec la sorte de serrement de cœur que doivent éprouver, il semble, ceux qui dépouillent les mourants, les soirs de bataille, Lucas en avait retiré le contenu.

— « Que fais-tu ? » murmura tout bas Marcelle interdite.

Lucas n’avait point fait de réponse, mais un geste