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revenait, coiffé de son diadème, d’arracher majestueusement des souches sur son lot, — le jetait par la fenêtre… « Vous vous en souvenez, notaire ? » lui lança-t-il de nouveau en amorce.

— « Je soutiens que vous méconnaissez votre bonheur… Car qui ne travaille pas, et plus longuement et plus péniblement même que vous, pour gagner le pain de sa famille ? » objecta le notaire dans un trémolo expirant, tout en poursuivant la rédaction du contrat.

— « Ah ! ce n’est pas la lourdeur de la tâche à remplir qui répugne. » Et Lucas s’était mis à arpenter la pièce fébrilement, « C’est le peu qu’elle rapporte… Chose curieuse, notaire, ce sont presque toujours ceux qui ont eu l’esprit de renier la terre, et qui progressent aujourd’hui grassement de quelqu’autre façon, qui s’acharnent à lui inventer des attraits… Comme si nos misères les amusaient, » acheva-t-il avec rancœur.

— « C’est bien mal ce que tu dis là, Lucas », répondit simplement le notaire.

— « Mal ? » Et Lucas se rua sur lui avec le rictus dégoûté de quelqu’un qui se retient pour ne pas vomir. « Voyez-vous, nous sommes trop bêtes, nous, pour mesurer, peser et calculer d’avance le profit que tel mouvement, le plus petit geste, la goutte de « scotch » offerte ou la pincée de tabac donnée, permettra d’extraire plus tard des intéressés. Nous sommes trop bêtes, nous, pour faire gober pour sincères les élans tapageurs et artificiels d’un zèle qui