Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ici, un coup de gratte là… N’est-ce pas pareillement votre avis, notaire ? conclua-t-il avec un clin d’œil complice à ses voisins, certain que Biscornet ne manquerait pas d’exhumer pour lui répondre l’inimitable timbre de bénisseur dont il se mettait toujours à chevroter quand il éprouvait quelque misère à amadouer ou à endormir ses dupes.

— « Non, ce n’est pas mon avis, » s’empressa-t-il en effet d’exhaler onctueusement en suspendant un instant sa plume. « Ne verrais-je chez vous, les habitants, que cette indépendance et cette liberté que vous êtes les seuls à si pleinement posséder, que j’envierais encore votre sort… Combien vous jugez faussement votre situation et comme vous rapetissez inconsciemment votre rôle… »

— « Notre rôle, notre indépendance », reprit à son tour, Lucas, « je sais ; cela était très beau, en belle cursive et comme « exemples » de calligraphie dans nos cahiers d’école, mais sacristi ? que ça change adapté au curage des rigoles et au battage au fléau. »

— « C’est comme le petit godelureau qu’on nous a envoyé pendant les élections, l’an dernier, pour le comité chez le père Fanfan », interposa de nouveau l’homme du Brulé : « Vous vous le rappelez, avec des frisettes en tire-bouchon qui s’enroulaient dans les verres de son lorgnon… Champoux… Champogne… qu’ils l’appelaient, il me semble… Il en débitait, une ritournelle, lui aussi, sur la majesté de « l’habitant » et du colon, sur la noblesse du défrichement… Un peu plus encore et le grand Jérôme — lui qui