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rante de son enfant, ni les sanglots affolés de sa femme ne parviendront à le tirer.

À quoi bon, d’ailleurs, de tenter de réveiller cette masse inutile et morte ? La jeune mère le comprend bien. Non, elle est suffisamment consolée de le savoir revenu, de le savoir au moins là, dans le logis, et cela atténue quelque peu son angoisse. Mais bientôt, dans le silence vide, il lui semble que la respiration de son enfant devient de plus en plus rauque. N’y a-t-il pas maintenant du râle dans sa toux ? Et c’est alors que, ne sachant plus que faire, elle avait couru s’adresser au voisin pour l’appel au médecin.

Tout en refaisant lentement ces détails, le docteur Duvert avait erré au hasard, absorbé qu’il était par sa songerie évocatrice. Il se retrouva tout à coup à un sommet de route d’où son œil pouvait embrasser l’étendue entière de la vieille ferme ancestrale des Beaumont, avec ses pièces d’avoine et d’orge, ses grands érables sur les coteaux, les lignes en équerre des clôtures, tout ce qui avait été amoureusement entretenu, cultivé et presque dorloté par les anciens de la famille. Mais à cette vue succéda immédiatement une autre image qui représentait l’envers du magnifique tableau qu’il caressait en ce moment du regard, et devant laquelle son front s’était plissé avec tristesse.

Pour mieux chasser cette vilaine vision qui venait ainsi subitement l’accabler dans sa qualité de croyant à la terre, il refit à rebours la distance qu’il avait inconsciemment parcourue. Il se sentait d’ailleurs déjà impatient de retourner, autant pour constater