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demander pardon et l’avait embrassé. Elle s’était dégagée cependant ; pâle, et la main tendue vers Yves, comme si elle eut voulu, l’attirer et la lui poser sur les lèvres pour le contraindre à se taire, elle s’éloigna. De plus loin, elle ébaucha encore le geste de lui jeter un adieu et disparut sous les arbres.

Alors tous deux, le père et le fils, avaient repris en silence leur route vers la gare. Et le Richelieu qu’ils longeaient semblait les poursuivre de ses petites vagues opiniâtres qui successivement venaient s’incliner et mourir à leurs pieds.

… Puis Yves s’était vu tout à coup emporté par la mugissante machine à vapeur à travers des champs inconnus, des forêts, des maisonnettes tranquilles éparpillées ici et là.

… Plus loin et plus tard, cela avait été un clapotis de flots mêlé à un mouvement lent et berceur ; puis une multitude infinie de têtes groupées partout sur les remparts et sur les quais, et qui s’éloignaient, rapetissaient, s’embrumaient…

… Ensuite, ça n’avait plus été que de l’eau, de l’eau éternellement mouvante ; et toujours aussi des soldats, tous en uniformes pareils, qui tantôt s’agitaient, s’entrecroisaient en tous sens, tantôt, alignés en rangs, évoluaient en cadence ou ondulaient avec la régularité d’une houle.

… Et il avait commencé de faire très chaud…