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XXII


Huit heures du soir… Temps de brouillard, mais temps encore moins brumeux toutefois que le chaos d’idées où se promène présentement l’esprit de Yves.

Le Sardinian voguait en plein océan, très loin, là-bas, au-delà des Îles Canaries, au milieu de vagues monstres qui faisaient comme des remous noirs autour de lui. Yves, appuyé au bastingage, se laissait fouetter par les rafales chaudes qui passaient en effluves sur sa poitrine. De même que ses mille compagnons de bord, il portait l’uniforme militaire anglais.

Bien que l’on eût, ce soir-là, coupé court à l’exercice réglementaire, à cause du tangage violent du navire, Yves ne s’était point, ainsi qu’à l’ordinaire mêlé au petit groupe d’amis français avec lequel il se sentait déjà lié : Tessier, Larue, Pelletier, Gingras… C’est que d’autres figures — que, depuis son départ, il avait toujours été incapable de faire renaître à son goût en pensée, longuement, à cause du branle-bas ininterrompu du bord — s’étaient des-