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Cette pensée l’avait envahi tout de suite, mêlée à l’enveloppante sympathie dont il sentait en même temps son cœur déborder.

Et alors Yves — heureux d’extravaser sa peine et d’en alléger le poids en la confiant, — avait longuement tout raconté : ses efforts perdus, ses démarches secrètes auprès des hommes d’argent, ses désappointements répétés, le courage qui finalement lui manquait à présent.

— « Que comptes-tu donc faire alors, mon pauvre Yves ? »

— « Partir » répondit-il simplement, achevant dans un geste accablé ce qui le tourmentait encore de confesser.

— « Partir ? » répéta le vieux de Beaumont, avec une anxiété subite et douloureuse.

L’absence, l’éloignement, la guerre, la mort même, pourquoi tout cela, qui est pourtant horrible et répugnant, prend-il un attrait séduisant et souvent irrésistible dans l’esprit des désabusés, des désenchantés, des jeunes hommes surtout qui portent au cœur quelque blessure secrète ou quelque malaise qu’ils se refusent à avouer ? C’est à raison de cela que Yves avait senti naître en lui cette hantise étrange, éprouvé de plus en plus violemment le besoin de fuir, comme pour se dérober à un véritable lancinement.

Il n’était question dans le pays, à ce moment, que de recrutement et du départ prochain pour le Transvaal des divers bataillons dont le gouvernement canadien favorisait l’enrôlement dans l’armée anglaise.