Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 162 —

dans le rayon de lumière qui filtrait par la porte, pénétrer doucement dans sa chambre et s’en venir dans l’ombre s’asseoir à ses pieds, sur le rebord du lit. Cette démarche était si inusitée à ce moment qu’il se maintint immobile, sans souffle.

— « Père… père… dors-tu ? » murmura Yves au bout d’un temps, tout bas comme dans une crainte de l’éveiller.

Pourquoi l’idée de quelque mal physique subit s’attaquant à Yves ne vint-elle nullement à l’esprit du vieux de Beaumont ? À cause sans doute du merveilleux don de deviner que les pères et les mères possèdent et qui, au seul timbre de la voix, à la simple expression de la figure — que nulle nuit assez noire ne peut les empêcher de percevoir — leur permet tout de suite de découvrir chez leurs enfants le véritable point douloureux. Le vieux de Beaumont resta muet, se tassant sur lui-même comme pour se garer contre un nouvel éclat du sort. Déjà il avait compris que Yves souffrait.

— « Son père… son père » reprit celui-ci, sur un timbre encore plus doux, et recourant à la naïve formule enfantine : « son père » pour mieux redescendre en quelque sorte à l’âge où l’enfant va frôler son chagrin à l’épaule paternelle.

— « C’est toi, Yves ?… Que me veux-tu ?… As-tu besoin de quelque chose ? » demanda son père en se soulevant à demi de sa couche. Et après l’avoir un instant examiné avec tendresse : « Qu’est-ce qui te contriste ? »