Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 152 —

des fusées de rire aux lèvres, sa fourche agile aux mains, elle s’obstinait à lui tenir tête.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Déjà plus de la moitié du champ était moissonné. Assis tous deux au sommet d’une haute charge, ils revenaient à travers les « planches » avec leur cinquième charretée.

— « Sais-tu, Marcelle, que du train que nous allons, nous terminerons avant la pluie, » exprima le vieux de Beaumont après avoir un instant comparé l’étendue qui restait du champ et l’aspect de plus en plus plombé de l’horizon… « Pourvu que tu n’aies pas à en souffrir… »

La réponse de Marcelle se perdit dans un martèlement subit de sabots, le choc rauque des roues sur le pavé, un ébranlement de solives. Ils venaient de s’engouffrer dans la « batterie » de la grange…

Montant des foins entassés et descendant du toit, la chaleur qui y régnait était accablante et moite.

— « Je saurai bien opérer seul le déchargement », reprit vitement le père de Beaumont, déjà debout et forçant Marcelle à aller s’asseoir et se reposer dans l’un des coins de la « tasserie »… Va, ce n’est pas ce qui me dérangeait autrefois, quand Yves et Lucas étaient encore enfants… et ma pauvre « vieille » n’a jamais été astreinte, elle, à faire le travail que tu fais aujourd’hui » compléta-t-il avec une certaine rancœur dans la voix.

Il commença de culbuter les veillottes, tout en humant le parfum grisant qui s’en dégageait.