Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/148

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 151 —

recueillir de beaux bénéfices et prospérer à son aise… Au lieu de ça… »

Il laissa sa phrase en suspens afin d’amener Marcelle à conclure elle-même et par là lui révéler l’état exact de gêne de son foyer.

Mais elle, ses impressions pénibles effacées, déjà remplacées dans son esprit par la seule vision des moments heureux, s’empressa de reprendre : — « Depuis près d’un mois qu’il n’avait pas bu… j’en étais toute fière… et comme l’herbe est abondante cette année et qu’il est adroit et soigneux, quand il le veut, son troupeau de vaches rendait abondamment… La dernière « quinzaine » de la fromagerie lui a rapporté presqu’autant qu’à Charles Lusignan, notre voisin… Quant à moi, avec le produit de mes poules et de mon aiguille, je suis parvenue à… Mais est-ce vrai que vous n’avez pas encore complimenté « Chaton » sur ses souliers neufs ?… »

Le vieux de Beaumont fit non de la tête en souriant. Ces simples paroles l’avaient subitement ragaillardi, autant dans les muscles que dans le cœur, et les fourchées rapides qu’il enlevait du sol n’offraient apparemment plus de poids à ses mains. Il ne déplorait plus en lui-même que l’écrasante corvée à laquelle il voyait en ce moment Marcelle se soumettre avec tant de bonne volonté. De temps en temps il l’interpellait :

— « Repose-toi… je monterai t’aider tantôt… Tu vas t’épuiser. » Mais il ne parvenait pas à modérer son entrain. Des brins de paille dans les cheveux,