Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XX


Le soleil avait émergé, le matin, dans un brouillard gris, de derrière le pied de la montagne. Il soufflait en même temps du sud un vent tiède plein d’humidité et qui menaçait la pluie prochaine. En tout autre moment, personne ne s’en serait spécialement préoccupé, mais on était en pleine fenaison et les foins coupés et entassés en veillottes — c’est-à-dire prêts pour la mise en grange — pigmentaient partout la surface des champs.

— « Pourvu que Lucas ait pensé de mettre son foin à l’abri » s’était spontanément dit le père de Beaumont en déjeunant, l’œil scrutant l’horizon à travers la fenêtre ouverte. « Du si beau foin qu’il a, cette année », murmura-t-il.

Il sortit bientôt pour flairer le vent. Car chez ces anciens pousseurs de charrue, rien ne les intéresse de la vie que les choses du sol. Déracinés, transportés au village ou ailleurs, devenus rentiers, il n’importe, l’odeur de la terre les suit partout et le calendrier ne renferme pas pour eux d’autres saisons