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qu’elle tenait enfoui au fond de son être pour Yves ; mais sa peur, les mots à trouver, les bruits de pas surtout, — qui de temps à autre retentissaient dans le cabinet d’études voisin et lui renvoyaient l’image sereine et heureuse de son père, — l’avaient retenue. Et son accablement s’exagérait d’autant plus que, dans sa candeur d’âme, elle assimilait à un pur acte de perfidie honteuse l’acte d’héroïsme, pourtant si touchant, qu’elle accomplissait depuis de longs mois comme une sacrifiée.

Si elle eut pu au moins mettre sa conscience à nu, posséder un complice qui l’eût remontée et comme doucement caressée pendant qu’elle lui aurait décrit ses secrètes détresses ; mais non, personne à qui pouvoir se confier, pas une poitrine sur laquelle se blottir… Et cependant c’était son père, son père lui-même qu’elle avait auprès d’elle et dont elle suivait en esprit les agissements placides à travers les murs.

Elle demeura longtemps immobile, égarée et haletante au milieu du drame noir qu’elle se voyait impuissante à démêler.

Puis lentement une réaction s’était opérée qui lui avait ramené à la figure son expression habituelle, soumise et résignée. Elle se releva avec effort. Dans une telle situation, en effet, c’est déjà un allègement que d’entendre auprès de soi le son d’une voix amie, de sentir l’enveloppement d’un regard qu’on sait être sympathique. Jacqueline voulut y recourir et doucement elle s’introduisit dans le cabinet de son père.

Le vieux docteur écrivait à ce moment. Voulant toutefois faire bon accueil à sa fille et la retenir