Lucas l’avait écouté sans rien dire. Yves reprit avec douceur sur un ton changé :
— « Pendant ce temps-là, toi, tu considères que tu y gagnerais à morceler ton domaine ?… Quelle est donc la partie que tu jugerais avantageux de détacher ? »
Lucas, gêné, se contenta de couper l’air d’un geste vague.
— « Le verger, tu veux dire ?… Mais ce sont les pommiers que « les vieux » — pour continuer encore et indéfiniment, semble-t-il, à veiller sur leurs descendants — se sont successivement empressés de planter. Avant que la pioche ne devînt trop lourde à leurs mains, ils ont voulu tour à tour les confier à cette même terre amie, de la vallée du Richelieu, à laquelle ils se proposaient de confier plus tard leurs corps eux-mêmes. Comment pourrais-tu permettre sans remords à des mains étrangères d’en venir aujourd’hui récolter les fruits ? »
Non, ce n’était pas la partie que Lucas avait pensé détacher. Cela se voyait à son air embarrassé. Et, comme pour échapper au regard interrogateur dont Yves continuait à le poursuivre, il avait ébauché de nouveau un geste hésitant dans l’espace.
— « Le coteau ?… la prairie peut-être ? » avait alors repris Yves, et malgré que Lucas eût fait non de la tête, il avait continué : « Mais c’est là que se trouvent les ruisseaux et les sources où l’été les troupeaux vont s’abreuver, les chardonnerets et les grives se baigner ? N’en sens-tu pas parfois toi-même