Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 135 —

… lui aussi qui a « éroché » cette pièce-ci, tu te rappelles ?… Je le vois encore derrière le tombereau rempli de pierres et que Rougeaud traînait à petits pas tranquilles. Il n’y a rien qui nous amusait autant que de l’aider à cette besogne… Le pauvre vieux… qu’il en a donc fait de travail », acheva Yves avec émotion.

— « Bien trop, en effet, pour ce que ça lui a permis d’amasser », avait ajouté Lucas, et après un court arrêt : « S’il n’y en avait pas si grand à cultiver aussi, peut-être pourrait-on s’en tirer. Mais avec cette étendue et les taxes de toute sorte qui en découlent… » Dans un geste en guirlande, il avait enveloppé la superficie de la ferme. « Il y aurait certainement avantage à en vendre une partie. »

Il avait fait cette observation comme à un point de vue d’affaires. Cela voulait dire dans sa pensée : la main-d’œuvre trop rare et trop chère ; le rendement disproportionné à l’effort ; les bras qui s’épuisent en vain à remuer cette masse de terre trop vaste.

— « Tu n’en as pas cependant plus grand que tes voisins à cultiver… Quatre-vingt-dix arpents, comme eux ? » avait répliqué Yves, mais le ton de sa voix, quoique très douce à ce moment, laissait sous-entendre : Oui, pas trop grand, à condition de ne point boire… C’est sur l’effort, vois-tu, que se mesure toujours le rendement. Tu n’as qu’à en faire l’essai.

Mais pour ne rien éveiller d’amer dans sa pensée, il s’était levé : « Bon, il faut que je voie si je possède encore le tour, » continua-t-il en souriant, et il alla s’emparer de la faulx suspendue auprès d’eux. « Je n’étais pas maladroit autrefois, tu te rappelles ? »