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rêtée un instant sur ce sous-entendu… « Seulement, j’en connaissais toujours l’explication. »

Il y avait quelque chose de changé et qui tout à coup sonnait étrangement faux entre elles. Toutes deux le perçurent. Certes, avec sa délicatesse extrême de femme, jamais Marcelle n’aurait osé, malgré son intimité avec Jacqueline, toucher à ces mystérieuses choses de l’âme qu’une sorte de pudeur retient de confier, mais quand l’amitié a laissé secrètement subsister dans un cœur assez d’invisibles germes pour qu’ils se ravivent tout à coup avec ardeur, — selon qu’ils avaient fait chez elle, à deux étapes de son existence — tout ce qui menace d’en refroidir l’intensité ou d’en modifier le caractère suscite une réelle angoisse.

C’est devant cette constatation imprévue que Marcelle s’était arrêtée. Un point lui apparaissait sur lequel Jacqueline voulait qu’elles fussent dorénavant étrangères l’une à l’autre.

Et pourquoi, mon Dieu ! cette déconcertante fissure dans leur intimité ? Ce que Marcelle venait de laisser en suspens dans sa phrase ne signifiait-il pas nettement qu’elle connaissait tout, qu’elle avait tout deviné chez Jacqueline : autant son amour pour Verneuil que son soudain attachement au foyer qui n’en était qu’une conséquence. Ne lui avait-elle même pas autrefois prédit cet état d’âme ? « Les jeunes filles commencent aussi souvent en apparence par détester que par aimer. » C’étaient les propres mots qu’elle lui avait dits. Et puis elle se sentait à ce mo-