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fois autant que ceux d’aujourd’hui. Mais de percevoir qu’il se cacherait d’eux et passerait comme un étranger, sans pousser le loquet connu de la porte, tout son être en avait frémi douloureusement.

Il reconnaissait maintenant les poteaux de clôture qu’il avait autrefois plantés, la poutre qui servait de passerelle pour la traverse du ruisseau, les cerisiers… Des fils mystérieux le rattachaient à toutes ces choses. Tout à coup il s’écarta du grand chemin pour se rapprocher de la haie qui le bornait. Rougeaud l’avait déjà précédé, cherchant au hasard, par-dessus, à attraper les tiges d’avoine que les chariots avaient accrochées aux branches des arbres.

— « Viens, Rougeaud… » Et le père de Beaumont, la main instinctivement portée à l’endroit des barreaux que la longue usure des doigts avait polis, fit doucement glisser la barrière : — « Et va donc… Entre, Rougeaud… »

… Mais lui, non ; le cœur lui avait manqué ; il n’avait pas osé. Et amortissant ses pas, sans bruit, il était reparti dans l’ombre pour le village.