Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 14 —

Il traversa la ligne de chemin de fer qui longeait son village, se glissa par dessus les clôtures de perches qui entouraient les champs voisins, et se perdit bientôt derrière les longs bouleaux en bordure que la brise faisait lentement osciller au-dessus de lui.

Ce Lucas de Beaumont dont il avait appris le retour récent dans la paroisse, il en avait déjà vaguement entendu parler dans ses courses aux malades. Il savait qu’il venait de succéder, sur la terre natale, au vieux de Beaumont, son père, maintenant passé rentier et fixé au village, à l’ombre du cimetière, comme en attendant d’y aller plus tard dormir.

En même temps, toute la lignée des Beaumont se mit à défiler dans sa mémoire ; le grand-père, le père, les fils, car il n’était pas d’hier, lui non plus, le docteur Duvert, et cette simple énumération le lui faisait bien voir. — Tout en marchant, une foule de souvenirs lointains, qui se rattachaient successivement aux membres de cette vieille famille, étaient venus envahir son esprit. Il se rappelait leurs alertes petits chevaux roux, leurs charrettes anciennes qu’ils tenaient toujours propres en les repeignant à l’ocre à chaque printemps, et dans lesquelles ils l’avaient si souvent cahoté. Et leurs rudes habits d’étoffe leurs larges chapeaux de paille, tous fabriqués, au foyer, il est vrai mais dont ils tiraient une distinction et une correction de tenue pleine de charmes. Oh ! les admirables femmes aussi… Puis la ferme — dont il suivait maintenant des yeux les ondulations jusqu’au pied même de la montagne de Saint-Hilaire, — il en revoyait les champs couverts d’avoine et de