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dies du sort. Toute sa synthèse de la vie, elle l’avait jusque-là ingénument fait tenir dans le seul proverbe, lui-même si souvent menteur : « Chacun n’a que ce qu’il mérite ». Et dans le chaos d’idées qu’elle remuait à ce moment, cela aussi la meurtrissait douloureusement de concevoir, dans sa naïve conscience de chrétienne, que les sombres perspectives qui s’entrouvraient ne pouvaient être que la juste résultante de sa vie passée, qu’elle n’était digne de rien autre.

À cet âge, et avec une pareille ingénuité d’âme, on ne réagit pas sous certain coup ; on reste éperdument écrasé, ne comptant même pas que le temps puisse jeter sur nos souffrances quelque calme endormeur.

Et Jacqueline s’était abandonnée à la dérive.

C’est portée dans les bras de Verneuil sur un divan qu’elle avait repris connaissance ; c’est sous son regard plein d’amoureuse compassion, qu’elle se revoyait avec l’astuce méchante d’une bête qui joue avec sa proie avant de la dévorer, Verneuil avait su tout de suite trouver les mots apaisants et suggestifs pour l’assurer de sa sympathie, la convaincre qu’il partagerait avec joie la complicité de son secret. Elle avait tout accepté, et cela l’avait momentanément soulagée.

Mais le soir, mais le lendemain, de même qu’au sortir d’une opération sous le chloroforme le malade ressent peu à peu la cuisson des points de suture et la pression des bandelettes, ainsi Jacqueline avait de plus en plus senti poser à sa poitrine le poids,