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traîner sur un autre terrain, il s’empressa de poursuivre, comme en lui-même : « Les médicaments n’ont guère le temps d’opérer en pareils cas, tant les phases du mal se précipitent avec rapidité… Vous avez pu vous-même constater que les remèdes de votre père ont été sans effet. »

— « Croyez-vous que si je me fusse hâtée davantage ?… car c’est moi qui ai préparé les poudres que… »

— « Les poudres… vous, c’est vous qui les aviez préparées ? » Il s’était subitement redressé et reculé, comme si les bocaux de la pharmacie, à laquelle il s’était jusque-là tenu adossé, lui eussent brûlé la chair. Il répéta à voix basse, l’esprit absorbé dans un travail de pénétration rétrospective : « C’est vous-même qui les aviez préparées ?… »

— « Mais qu’y voyez-vous de si étrange ? » s’empressa d’interroger Jacqueline, avec une anxiété soudaine dans la voix, et elle s’arrêta stupéfaite à son tour.

À ce moment, Verneuil perçut nettement que le point de doute avait été atteint chez elle, à la rencontre spontanée de leurs deux regards tendus ensemble sur les étiquettes pharmaceutiques des bocaux ; il perçut de même que leurs pensées s’étaient pareillement rencontrées. Et sans la regarder, il put suivre, phase par phase, le courant d’idées dans lequel elle s’était engagée : ce doute aigu d’abord, cette angoisse qui la crispait de plus en plus, le frisson d’épouvante qui l’avait envahie à mesure qu’elle s’enfonçait davantage dans l’analyse des faits, puis l’ondée de