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Claude Paysan

Claude, toujours très doux, sans attendre la fin de la phrase, la connaissant d’avance pour l’avoir entendue déjà trop souvent :

— Mais, Jacques tu comprends bien que c’est impossible… Quitter ma mère !… Et qui sait, peut-être pour mourir là-bas, loin d’elle…

Oui, sa pauvre vieille mère, il y pensait tout de suite, quand Jacques lui confessait ses tentations de voyage et d’aventure… Peut-être pensait-il à quelqu’autre aussi… à Fernande… Peut-être y pensait-il en effet, car son front pâlissait toujours à ces moments-là maintenant.

— Nous reviendrons dans deux ans, insistait Jacques… dans un an, et nous en aurons de l’or, comme les riches… D’ailleurs j’en prendrais soin de ta mère, moi ; j’en prendrais soin jusqu’à ses derniers soirs… si tu mourais…

… Comme les riches… Claude avait répété tout bas cette phrase. Il entendait, sans le voir, Jacques qui reprenait :

— L’amour, la santé, la richesse, c’est tout ce qu’il y a de désirable sur la terre avec la franche poignée de main de l’amitié… Pourquoi ne point chercher à atteindre tout ça ?… Pourquoi les autres plutôt que nous ?… Nous ne sommes point faits d’ailleurs pour la vie que nous menons ; nous aspirons à autre chose… Avons-nous aimé une fois seulement ?… Pourquoi passons-nous si insouciants, sans même détourner la tête, parmi toutes les filles de notre condition ?…

Claude l’écoutait bien maintenant avec une certaine angoisse toutefois.