Page:Choquette - Claude Paysan, 1899.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
Claude Paysan

instant leur esprit devant ce quelqu’un de grand et de puissant qui peut faire les moissons abondantes ou les anéantir à son gré, et une éjaculation muette de leur cœur montait suppliante vers lui.

Claude, dès son âge d’enfant, avait vu avec respect son vieux père cesser son travail pour prendre au son de la cloche cette attitude solennelle de l’homme qui prie et il avait acquis cette habitude à son tour.

Angelus… il jetait bien un moment un regard furtif vers ce ciel dont devait lui parler la prière latine, mais maintenant qu’il était plus âgé, plus en possession de ses facultés de cœur et d’âme, des visions rapides d’autres paradis qu’il imaginait lui traversaient l’esprit.

Le vrai paradis, celui d’en haut, était si loin, si insaisissable et vaporeux, que ses conceptions ne parvenaient jamais à le tirer de l’indécision du rêve et tout de suite Claude se perdait dans des distractions infinies.

Angelus… Les cloches qui le lui annonçaient de loin, trois fois le jour, lui apportaient encore d’autres pensées, d’autres méditations ; souvent, son chapeau enlevé, sa faux à ses pieds, l’esprit absent, il restait immobile, longtemps après que les dernières ondulations se fussent évanouies dans les creux lointains des collines de son pays, à poursuivre des chimères qui l’entraînaient loin des évocations pieuses.

Angelus… Avec une joie intime, il écoutait, comme une jolie musique, ces tintements sonores qui se renflaient et s’adoucissaient en vagues aériennes