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Claude Paysan

par volées sonores qui allaient égayer les alentours.

Le matin, avec l’aurore, avec les buées pâles qui flottaient partout, avec le bruissement général des choses, le midi, au milieu des chansons des cigales et des grillons, le soir, avec les flèches pourpres du soleil couchant, à l’heure des lentes mélopées campagnardes, on entendait cet égrènement de notes puissantes qui s’éparpillaient en cadence harmonieuse.

Alors les paysans, dispersés partout sur les plaines et les coteaux, s’arrêtaient subitement dans leurs travaux, leurs fourches, leurs râteaux, leurs faux à la main, immobilisés dans le dernier geste où l’Angelus les surprenait.

Ce n’était pas en réalité pour réciter les mots latins que cette prière contenait qu’ils cessaient, ainsi de travailler, car la plupart les ignoraient ; ils marmottaient bien au hasard quelques oraisons, mais la vraie prière, c’était la cloche elle-même de leur village qui la disait. Et quand ils se tenaient tête baissée, le front songeur, c’était plutôt pour prêter leur adhésion à cet appel que les volées de cloches faisaient entendre vers le ciel.

Angelus domine annunciavit Mariae… Ceci ne disait rien aux paysans, ils ne pénétraient pas le sens de cette phrase : mais ce qui symbolisait, résumait leur profession de foi, c’était l’Angelus, simplement l’Angelus qui se traduisait pour eux, d’abord par trois tintements vigoureusement martelés, puis par une éclatante carillonnée.

À ce moment, les vieux, les jeunes, qui demandaient à la terre le pain quotidien, prosternaient un