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Claude Paysan

vite ses paupières tout à coup humides… Si celle-ci allait être une méchante femme dont elle ne pourrait point caresser les petits blondins, qui la chasserait de son foyer, qui endeuillerait les printemps de Claude et à elle ses derniers automnes…

Alors son cœur se serrait, se déchirait et lorsque son fils rentrait de son travail ou d’ailleurs elle prenait inconsciemment un regard fouilleur, inquisiteur, divinatoire, pour lire, bien au fond de ses yeux, s’il y pensait lui aussi à ce danger menaçant de mauvaise femme. Oh ! ça paraissait lui importer peu cependant, à Claude, les méchantes comme les bonnes…

Pour faire comme les autres jeunes hommes, pour faire aussi plaisir à sa mère qui insistait, le voyant toujours si triste, il allait bien quelquefois avec Jacques à certaines réunions chez les voisins, à la Sainte-Catherine, le soir de la messe de minuit, le mardi-gras, mais sans jamais s’amuser beaucoup.

Tous les autres, par exemple, oh ! ils riaient bien, eux, s’en donnaient. Lui, ces chants, ces danses, ces godailles, l’ennuyaient plutôt. Et à dix heures, à cause de sa mère qui avait peur seule au logis, disait-il, il était toujours content de s’en retourner.

C’est qu’au fond il aimait mieux sa mère que tout ça.

Elles étaient meilleures les petites veillées passées avec elle ; meilleurs leurs entretiens naïfs dans la demi-ombre où ils s’embrumaient parfois, la lampe baissée.

Les soirs que Jacques venait après le souper fini,