Page:Choquette - Claude Paysan, 1899.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
Claude Paysan

son nez trop accusé, il n’était pas beau, quoique sa carrure fière et solide lui donnât une allure imposante qui commandait le respect. Sa moustache aussi, qui frisottait en désordre des poils blonds de jeunesse rendait son air décidé.

Mais il était bon et généreux, ce Jacques, vaillant à la tâche, habile à tout, ayant échappé jeune à la flétrissure d’âme et de cœur qui l’attendait dans son pays de malheur. Cependant un instinct, gardé comme une tare d’origine, l’éloignait petit à petit de la culture et lui donnait des nostalgies toujours gaiement caressées de voyages sans fin. Il lui semblait que ce serait si beau… plus loin.

Et quand il exprimait ses désirs chimériques, son œil paraissait entrevoir à travers l’espace ce plus loin… toujours plus loin.

Une chose cependant le retenait sans cesse, son amitié pour Claude.

— Quoi, lui disait-il alors, en songeant le coude sur le genou, avoir fait tant de lieues pour venir se fondre ensemble… puis rompre maintenant cette soudure, repartir, et m’éloigner encore de tant de lieues…

Et s’il allait mourir là-bas, sans le revoir, perdu seul, si loin, c’est ça qui l’épouvantait.

— Les cloches carillonneraient, les rossignols chanteraient encore dans les épis murs, Claude rappellerait peut-être… la vieille mère Julienne aussi, seulement il ne les entendrait pas.

Alors, après avoir réfléchi à toutes ces choses, il n’en parlait plus pendant des mois, repris tout à fait par un nouveau besoin de vivre et de rêver à côté de son ami Claude.