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Claude Paysan

Du bout de son terrain, légèrement incliné par l’élévation du coteau, Claude avait, quand il revenait, des aperçus au loin sur les campagnes voisines toutes uniformément blondes et rousses par les chaumes.

Le Richelieu aussi, qui l’avait si souvent bercé enfant et dont il adorait encore le mouvement rythmé et endormant à ses heures de songeries profondes, serpentait à ses pieds, s’étendait jusqu’à Saint-Charles, Saint-Denis, diminuait, se rétrécissait, jusqu’à ne paraître plus qu’un fil entre les grands arbres en bordures des rives, puis se perdait tout à fait.

Vu d’en haut aussi, son petit gîte à dôme pointu, qui se détachait en grisaille sur les flots tranquilles, lui causait l’effet d’un nid suspendu aux branches des arbres. Dedans, il y avait une pauvre vieille mère qui se démenait, qui s’agitait, mettait tout en ordre, très-alerte. Dans son imagination, il voyait bien… car c’était à lui cette pauvre vieille.

Au retour d’autres sillons, il précisait parfois davantage ses tableaux de rêve. Auprès de sa mère, il se représentait une jeune fille blonde qui racontait, qui souriait, en montrant de fines petites dents blanches, pour la faire sourire aussi, la vieille mère ; alors ils souriaient tous les trois à la fois… les deux, là-bas, dans le nid pauvre, et lui, Claude, derrière sa charrue, dans son champ.

En vérité cela n’était vu qu’en esprit, car elle était partie, Fernande, retournée avec les premières menaces du givre dans la maison de ville de sa famille.

Ainsi qu’ils faisaient chaque année, — la villégia-