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Claude Paysan

son ami Jacques… seulement il aurait dû l’en avertir comme d’habitude ; elle aurait alors été beaucoup moins inquiète… Elle se parlait ainsi en elle-même, en tricotant près de sa table, en écoutant siffler le vent et battre les volets contre les murs.

Elle songeait aussi à Fernande, sa bonne petite voisine, qui n’en avait pas pour longtemps à vivre à présent… Elle l’avait vue le matin même ; c’est à peine si elle avait pu la reconnaître… et cependant en y songeant, elle se sentait prête à fondre en larmes : Fernande l’avait encore saluée de la main, comme ça, avec un commencement de sourire tendre…

… Dix heures… C’est étonnant comme le vieux timbre avait résonné fort et longtemps dans le calme de la chaumière.

La vieille Julienne avait ouvert une fenêtre, — pas la porte à cause du vent qui grondait de ce côté — et elle avait regardé et écouté un instant dans l’ombre. Puis, elle s’était remise à tricoter, nerveusement ; mais elle se trompait toujours, oubliait des mailles et elle ne voyait presque plus clair.

Maintenant elle allait et venait, faisait du bruit dans la pièce unique, en regardant à tous moments l’inexorable aiguille qui glissait lentement, lentement sur l’émail du cadran… tic… tac… tic… tac… et ça aussi, malgré le bruit du dehors, faisait un écho grave.

… Onze heures…

Mon Dieu !… onze heures… Elle voulait sortir, voir, et elle s’emparait de la lampe. Sans y penser,