Page:Choquette - Claude Paysan, 1899.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
Claude Paysan

troubleraient ainsi leur entretien, et il entraînait Jacques sous les cerisiers touffus du jardinet…

… Te voilà, enfin…

— Oui, enfin.

— Et tu as souffert !… je le vois dans tes yeux… dans ton sourire…

— Et toi, Claude ?…

— Moi… moi… que veux-tu, j’étais seul, abandonné, et alors…

— Et alors, tu m’as appelé, n’est-ce pas ?… C’est vrai que je t’ai entendu dans mes rêves ?…

Après un échange de regard qui exprimait tout :

— Oh ! à quoi bon, Jacques, nous demander ces choses ?… est-ce que nous ne les connaissons pas d’avance ?

— Sur mon compte, oui, ça se comprend… on peut les connaître… car on s’explique le noir ennui qui poursuit l’exilé comme un remords, qui vient pendant les nuits sombres écraser sa poitrine haletante. Mais toi, toi qui promenais ta jeunesse par les chemins joyeux du pays natal…

— Les chemins joyeux… les chemins joyeux… tiens, mets ta main là, tu sentiras aux battements que j’ai fait des courses qui oppressent et qui tuent par ces chemins joyeux… et que déjà, c’est un effeuillement de tout que j’éprouve.

— Mon Dieu ! Claude, je revois pourtant la flamme de gaieté folle qui illuminait ton regard à une certaine nuit de bal… tu te souviens ?… J’y ai souvent repensé là-bas, après mon départ, et de mes sou-