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Claude Paysan

Et comme par une fatalité attachée à mes jours, moi, qui aurais tant désiré répandre la joie et le bonheur dans le cœur de ceux que j’aime, je n’ai servi au contraire qu’à leur faire répandre des larmes.

Jusqu’à la vieille Julienne et Claude, comme s’ils n’avaient pas été assez malheureux auparavant, pour qui je suis venue gâter, — sans qu’il y ait de ma faute, il est vrai, grand Dieu ! — les quelques rares moments de bonheur qui pouvaient traverser leur humble existence.

Pourquoi m’aime-t-il aussi ce Claude, moi qui ne peux aimer personne… Car c’est bien vrai ce que m’a révélé la mère Julienne… Le tendre regard de pitié, d’ailleurs, dont il m’a enveloppée, ce dernier soir du mois de Marie, me l’aurait sans doute dévoilé.

Je l’ai longuement regardé moi-même, car je voulais le remercier de sa sympathie et lui demander en même temps pardon de le faire ainsi souffrir…

… Durant l’hiver j’ai espéré qu’il m’oublierait ; c’était ce que je pouvais dans mon âme lui souhaiter de plus heureux, mais je devine bien que c’est tout le contraire qui est arrivé.

Et pour payer cette affection insensée dont il m’entoure, il me faut passer auprès de lui en affichant une figure faussement indifférente, sans un mot, sans un sourire, sans rien qui puisse seulement lui faire un peu de bien au cœur.