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Claude Paysan
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de sa figure comme autour d’un camée de plâtre pour le protéger. Tout le hâle que les soleils brûlants avaient jeté sur son front s’était effacé sous le souffle de la mort.

Ses mains qui avaient si longtemps manié la faux, le râteau, tous les outils du paysan, reposaient inertes, toujours croisées sur sa poitrine.

On le garda ainsi pendant deux jours, dans une immobilité solennelle et imposante qui lui donnait l’apparence d’une statue couchée. Ses amis, voisins et voisines, allaient pieusement s’agenouiller auprès de lui, et lui offraient l’aumône de leurs prières.

Fernande, comme elle l’avait dit, était venue avec sa mère, apporter dans un panier toute une jonchée de fleurs odorantes poussées aux souffles des brises du Richelieu. Il y en avait des roses, des pourpres, des blanches aussi, qu’elle distribuait dans des pots de terre brune, par paquets inégaux, autour de la chambre. Et malgré les tentures noires, les draps blancs cloués aux murs, tout l’appareil de deuil, ces pauvres fleurs, disposées par la main de Fernande, répandaient presqu’un air de fête et rendaient plus vrai chez le vieux Claude son sourire éternellement figé de statue.

Puis, au matin du troisième jour, une lourde voiture noire était venue l’arracher d’au milieu des fleurs et des larmes sanglotées dans le pauvre logis, pour le conduire, — sous les rafales douces et mourantes montées de la grève, sous les rayons roux du soleil de septembre, à travers les odeurs des avoines et des blés couchés dans les champs voisins — jusqu’à l’humble cimetière de son village.