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Claude Paysan
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sur sa sympathique pitié, ça ne l’affligeait plus autant l’amour insensé de son fils ; au contraire. Quant à Claude lui-même, lorsqu’il s’interrogeait profondément, il se reconnaissait en vérité moins fortement épris. Fernande était déjà partie depuis plusieurs mois et son image, qui d’abord ne le quittait jamais, ne s’offrait pas aussi souvent, ni avec autant de précision à son esprit. L’absence, la séparation prolongée, l’air soucieux de la vieille Julienne, peut-être aussi le souhait que Fernande avait secrètement formulé, contribuaient à ce changement inattendu dans son cœur.

Et alors de sentir ses attaches moins serrées, de pouvoir laisser flotter ses pensées sans que tout-à-coup une figure, un sourire, une ombre, un rien ne vint à tout propos le faire haleter péniblement d’angoisse, il en éprouvait une sensation particulière de contentement.

Il se disait toutes ces choses, seul, le soir.

Il essayait de se convaincre que, bien vrai, avec le cours des semaines de l’hiver, il se détachait petit à petit de l’affection folle qui l’avait tant fait souffrir. À présent il aurait même pu parler de Fernande s’il l’avait voulu, prononcer son nom sans émotion, et s’il ne le faisait pas, c’était plutôt à cause de sa mère qui le gênait encore un peu.

C’est que pour celle-là ce n’était pas la même chose ; elle pénétrait trop loin dans les tréfonds enfouis de son âme et ça le troublait toujours de voir sur lui ce regard maternel qui le devinait. Mais pour tout au-