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Claude Paysan

… On était en septembre.

Un voisin qui le croisait ce matin-là lui avait dit en le saluant du haut de sa lourde charrette :

— Quelle belle journée pour la moisson… hein ? Claude !…

Et Claude avait répondu, sa faux sur le dos :

— Bien belle en effet ; je m’en vais en profiter pour abattre ma pièce de blé.

… Dans son champ, il avait trouvé les cigales qui chantaient, qui chantaient.

Et, tout guilleret, penché en avant, presque plié en deux sous l’effort, il s’était mis à faucher à grands coups rapides. Tout d’abord, dans un mouvement balancé de son corps, il allongeait loin les bras pour mieux atteindre les épis, puis, — avec un han ! profond dont il semblait vouloir s’aider — il ramenait sa longue faux à travers. Et les épis fauchés tombaient.

Sur le coup, ça ne se voyait guère, car les tiges, secouées en tous sens comme par un vent qui serait venu en dessous, restaient encore droites et immobiles un moment, ne sachant sur quel côté se jeter. Mais, bientôt, elles s’inclinaient en vagues, se penchaient, se tassaient sur le sol.

La faux les abattait ainsi par larges croissants qu’elle enlevait à l’emporte-pièce à même les champs de grain.

Malgré la sueur et la fatigue, Claude se hâtait. Depuis le matin, il fauchait sans relâche, presque sans lever la tête.