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Claude Paysan

C’était pourtant tout près, cette maison de Fernande ; de son perron elle en distinguait les moindres détails ; cependant, elle n’arrivait plus. Dans l’ombre courte de chaque arbre de la route, elle s’arrêtait pour se rafraîchir. Elle tirait son grand mouchoir à carreaux et s’essuyait le front, lentement, comme pour y effacer en même temps les traces de ses mauvais soucis.

Dès qu’elle se vit tout-à-coup en face de la maison, un mouvement d’hésitation profonde la saisit… elle n’osait plus continuer…

— Bonjour, mère Julienne…

Fernande qui l’avait vue, était accourue au devant d’elle et l’entraînait déjà.

Toute émue, la pauvre vieille s’était laissé faire machinalement, ne se sentant pas la force de dire la raison de sa visite. Elle ne savait même plus si elle devait s’asseoir, ni quoi faire de ses mains et de son mouchoir. Tout en fuyant le regard interrogateur de Fernande, elle cherchait une explication à sa présence.

En elle-même, elle songeait bien toujours à lui confier le secret de ses douleurs profondes… Oui, elle l’aurait prise dans ses bras et lui aurait tout dit comme elle avait pensé le dire avec des mots qui ne l’auraient pas offensée, mais attendrie… Mais, tout à coup, ce nom seul de demoiselle qui lui revenait… ces grands tableaux, ces candélabres, ces glaces qu’elle apercevait par l’enfilade des portes… ça l’intimidait trop… Non, elle ne pouvait plus.