Page:Choquette - Claude Paysan, 1899.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.


XXVIII


Vers dix heures, la vieille Julienne était partie…

C’est qu’elle ne pouvait plus résister à ce cri douloureux qui résonnait dans sa tête depuis le matin et qu’elle avait entendu de la bouche de son fils. Avec sa devination maternelle, elle comprenait quelle navrante et subite désillusion lui avait arraché ce cri désespéré à son réveil et elle était partie.

En chemin, elle se demandait comment elle allait lui dire cela, à Fernande. À grandes enjambées d’abord, elle n’avançait plus maintenant qu’à petits pas traînants et distraits.

Oui, comment lui apprendre que ce pauvre paysan, qui était son fils, l’aimait, elle, d’un amour fou et sans espoir, et elle cherchait d’avance des tournures de phrases. Elle ne parvenait pas toutefois à trouver de mots convenables ; ils exprimaient toujours les choses autrement qu’elle le souhaitait. Car elle ne songeait pas un instant à réveiller en retour l’amour de Fernande, non, c’était seulement sa consolante sympathie qu’elle désirait demander, ou plutôt qu’elle obtiendrait sans doute de son grand cœur sans qu’il soit même nécessaire de la lui demander.

À mesure qu’elle avançait, elle se sentait plus inquiète, plus oppressée, comme chargée d’un poids qui l’aurait écrasée, et elle soupirait péniblement.