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Claude Paysan

des cerises ; puis à la mort de son père… puis encore, — ça le gênait de le lui dire, — quand elle avait cueilli ces fleurs d’aubépine sur la grève… se souvenait-elle ? … il s’était alors caché tout près dans les arbres et l’avait regardée faire… Il lui avait aussi appris le soin jaloux avec lequel il conservait ces autres fleurs qu’elle avait apportées sur le cercueil de son père.

— Moi, disait-il, la première fois que je vous ai vue, je me suis senti tout de suite bouleversé, gêné devant vous, comme saisi d’une étrange émotion dont je n’ai jamais pu me déprendre ensuite. Aussi, est-ce drôle que je me sente aujourd’hui le courage de vous avouer toutes ces choses-là…

Non, cela ne lui ferait rien, maintenant, qu’elle le trouvait ridicule ; il s’y attendait bien… c’est pour ça qu’il n’avait jamais voulu en parler à personne, ni à Jacques, ni à sa mère, qu’il n’avait même jamais osé prononcer son nom… Il lui semblait toujours qu’il allait alors se trahir…

… Mais non, Fernande ne riait point. Au contraire, ses grands yeux devenaient plus graves et elle l’écoutait comme si elle eut entendu des choses toutes naturelles et depuis longtemps désirées. C’est qu’elle l’avait un peu deviné, cet amour de Claude, seulement, elle n’en était pas certaine… Oh ! non… Comment y croire aussi ?… Il la fuyait toujours… Souvent elle aurait beaucoup aimé le rencontrer, lui parler doucement et, sans en rien laisser paraître, elle avait tâché de choisir les heures où il se trouvait au