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Claude Paysan

était si calme que la chaloupe ne remuait presque pas, paraissait immobile. Ensuite pour s’amuser, ne sachant que faire, elle se plongeait les doigts, puis les mains toutes entières dans l’eau attiédie et elle regardait tourbillonner les remous que ça faisait.

Claude qui l’observait en silence, sans bouger, flattait doucement la tête de son chien pour le retenir et l’empêcher de trahir sa présence. Et par contraste bizarre, il lui venait dans la tête des tentations folles de sortir de sa cachette et de se montrer au grand jour. Mais ce n’était que des impressions passagères et menteuses de son esprit, car pour rien au monde, il ne l’aurait osé en réalité. Au contraire, il se cachait plus profondément derrière les feuilles des arbres, se faisant tout petit, sa respiration toujours haletante.

Maintenant Fernande fredonnait autre chose : une simple ariette sans parole qu’elle coupait à tout instant, au milieu des mesures, pour regarder passer les chariots de foin sur les sommets des coteaux, pour écouter japper les chiens, coasser les grenouilles à l’ombre des algues.

Mais, grand Dieu, quel nouveau frémissement d’angoisse et de honte secouait donc si fortement Claude dans sa cachette ?… C’est qu’il lui semblait que Fernande venait de l’apercevoir en promenant son regard lent sur la rive. Car tout de suite elle s’était mise à pousser son canot vers la côte… Elle avançait sans doute pour lui parler… S’il a pu s’enfoncer sous terre.

Par coups insensibles d’aviron elle se rapprochait,