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Claude Paysan

drait plus qu’en rêve ces bruits de son fléau, de son pas, de sa voix…

— Adieu, Claude ! fit brusquement Jacques qui sentait peu à peu son cœur défaillir.

— Adieu, Jacques…

Et les deux amis, maintenant muets, les yeux débordants de larmes, s’étaient embrassés comme des frères sous les grands pins dont les feuilles en aiguilles tamisaient l’inondante lumière de midi.

Mais va donc Jacques… C’est la trépidante secousse de l’express qui entre en gare ; c’est le bruit sauvage et brutal de la vapeur qui siffle. Que lui importe à cette machine sans âme qu’il y ait à l’ombre des pins des douleurs qui se cachent pour mieux éclater, des étreintes qui ne peuvent pas se rompre… Elle n’attendra pas une minute, pas une seconde ;… elle broierait les cœurs eux-mêmes sous ses roues puissantes qu’elle n’en partirait pas moins… va donc Jacques…

— Adieu, Claude… Il eut cette force, puisée dans une dernière et lente pressée de mains, et en hâte il enjamba la haie d’arbustes qui les séparait de la gare, traversa l’enchevêtrement de rails qui sillonnaient le terrain et se cramponna aux wagons en mouvement.

Claude le vit passer très vite derrière les stores relevés des carreaux du convoi…

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… L’express n’était plus qu’une fumée noirâtre se traînant là-bas, bien loin sur les coteaux, et cependant Claude stupéfié, immobile, écoutait encore