Page:Choquette - Claude Paysan, 1899.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
Claude Paysan

nuages mornes qui auraient jeté sur tout leurs haleines froides. Il aurait alors moins regretté de s’en aller.

Mais ce matin, le soleil mettait en tas sa brillante lumière d’or sur les feuilles, sur la poussière du chemin, sur les flots calmes du Richelieu. Il y avait des reflets partout ; il en venait des toits, du clocher de l’église, des sables des plaines, des rochers de la montagne. Tout éblouissait et réverbérait. En même temps, les rossignols et les linottes chantaient.

Et le pauvre Jacques, qui aurait tant aimé quitter son village par un matin sombre et terne, se vit condamné à s’en aller seul, sa valise de toile cirée noire à la main, tout triste dans ce resplendissement de tout…

… Ils étaient deux maintenant qui marchaient dans le grand chemin poudreux, sans beaucoup se parler, chacun suivant l’une des ornières polies aux roues des voitures.

Claude qui connaissait bien son ami, n’avait pas tenté de le dissuader de son lointain départ. En le voyant venir à lui, il reconnut que c’était fini cette fois et ce fut sans une parole, tout naturellement comme pour une chose bien entendue d’avance, qu’il endossa ses meilleurs habits, mit son chapeau des dimanches pour l’accompagner à la gare.

La mère Julienne aussi, toute agitée et pâle, n’avait rien dit. Elle s’était simplement plantée devant Jacques avec sur sa figure une expression stupéfiée et douloureuse de reproche qui signifiait bien : Et mon Claude, que fera-t-il donc ?… Y avez-vous seulement songé ?